La raison principale pour laquelle le thylacine est célèbre, c’est parce qu’il est éteint… Tout comme le dodo et le grand pingouin, il symbolise à la fois la démesure et la négligence humaines, capables de mettre en péril leur propre environnement et les espèces qui y vivent.
La découverte d’un thylacine vivant serait donc un événement particulièrement célébré. Une sorte d’espoir qui renaîtrait, l’espoir que nos erreurs passées ne seraient peut-être pas un point final.
Certains rêvent aussi de le faire renaître par clonage, mais cette solution ne donnerait qu’une copie partielle, porteuse des gènes de son hôte.
Un thylacine sauvage, lui, aurait gardé toutes ses caractéristiques d’origines. Ce serait donc la meilleure des nouvelles.
Se pourrait-il que le thylacine ne soit pas éteint?
Officiellement, le thylacine s’est éteint en 1936. Pourtant, dès la fin des années 1930, des expéditions rapportaient déjà la découverte d’empreintes étranges, et les signalements se sont ensuite multipliés — en Tasmanie d’abord, puis en Australie continentale.
Au fil des décennies, les témoignages ont continué à s’accumuler, comme si un animal bien réel continuait à se dissimuler, aperçu seulement à de rares occasions. Les témoins parlent de silhouettes furtives, de traces inhabituelles, ou de cris nocturnes qui évoquent ceux du thylacine.
Certaines de ces observations demeurent particulièrement troublantes. En janvier 2004, dans le Gippsland, une région du sud-est de l’Australie, des empreintes photographiées dans un sol humide rappelaient de manière saisissante la morphologie du thylacine…
Pour comprendre la nature de ces traces, il faut d’abord observer leurs auteurs potentiels :
- Le diable de Tasmanie, trapu et bas sur pattes, laisse une empreinte compacte. Il est plantigrade, c’est-à-dire qu’il s’appuie sur toute la plante du pied pour marcher.
- Le chien, domestique ou sauvage, imprime un coussinet large et arrondi.
- Le thylacine, plus grand et plus élancé, possède des membres allongés. Tout comme le chien, sa démarche est digitigrade : il s’appuie sur ses doigts pour se déplacer.
En observant bien les exemples ci-dessous, lequel de ces candidats, d’après vous, aurait pu laisser ces empreintes ?
Mais les empreintes ne sont pas les seuls indices mentionnés. Depuis plusieurs années, certains témoignages ne reposent plus seulement sur des traces au sol, mais sur des images. Des photographies prises à distance, souvent floues, pas toujours convaincantes. Toutefois, il y en a une qui a beaucoup fait parlé d’elle.
En janvier 2019, Peter Groves a publié cette photo qu’il aurait prise près de Clifton Springs, dans l’État de Victoria, en Australie. Plusieurs personnes y voient un thylacine.
Selon M. Groves, l’animal l’aurait observé pendant environ 5 minutes, sans montrer de peur ni tenter de fuir.
« Ma photo, même si elle est un peu floue parce qu’elle a été prise avec mon téléphone, montre assez bien les caractéristiques de l’animal », affirme-t-il.
La photo de Peter Groves : thylacine ou simple canidé ?
Depuis sa publication, cette image a suscité de nombreuses réactions en ligne. Sur les forums et les réseaux sociaux, chacun y va de son interprétation: certains restent sceptiques, d’autres y voient une preuve troublante de la survie du thylacine.
Sur Reddit, par exemple, le débat s’enflamme.
« Mais où sont les rayures? », demande Digimountain, un utilisateur Reddit de la communauté r/Cryptozoology.
« Malgré l’apparente absence de rayures sur son corps, je crois que des rayures sont visibles sur la queue de l’animal. Sauf erreur de ma part », répond l’utilisateur mightperhapsnever.
Les avis sont loin d’être unanimes. Certains internautes y voient un dingo, d’autres croient qu’il s’agit d’un renard atteint de gale sarcoptique (une maladie qui peut dénuder l’animal, et laisser, par exemple, la queue d’un renard sans poil).
Pour d’autres, le doute n’est pas permis, cela ne peut être qu’un thylacine: « La queue est vraiment trop longue pour être celle d’un dingo! », affirme l’utilisateur vanillagorilla25.
Finalement, certains soulignent que le comportement de l’animal, qui ne semblait pas craintif face à un humain, évoque davantage un chien qu’un animal sauvage.
Mais c'était quoi, un thylacine ?








Vraies photos de thylacines en captivité au zoo de Hobart (Tasmanie), dans les années 1930.
| Type d'animal | Endroits où il a vécu | Raison de l'extinction |
|---|---|---|
| Mammifère (marsupial) | Tasmanie - Australie continentale - Nouvelle-Guinée | Chasse par l'homme |
Contrairement à son allure canine et à son surnom de « Tigre de Tasmanie », le thylacine n’appartenait ni aux canins, ni aux félins. C’était un marsupial. Il était à la tête de la chaîne alimentaire, comme le sont le lion, le loup et le cougar, dans leur écosystème respectif. Sa longueur moyenne et sa hauteur au garrot étaient semblables à celles du loup.
Comme tous les marsupiaux, la femmelle possédait une poche ventrale où grandissaient les petits pendant plusieurs mois, et détail unique, cette poche était inversée: elle s’ouvrait vers l’arrière, du côté de la queue. Elle contenait quatre tétines, permettant à une portée de deux à quatre petits de se développer en sécurité.
Le thylacine vivait en moyenne 12 à 14 ans. Son corps mesurait entre 1,23 et 1,95 m, la queue représentant près d’un tiers de cette longueur. Les mâles étaient généralement plus grands que les femelles.
Deux caractéristiques morphologiques sont particulièrement intéressantes : la première est la très grande ouverture de sa gueule, une des plus grandes du règne animal.
La deuxième est sa frappante ressemblance avec les canidés, bien que le thylacine ne leur soit pas apparenté. Il s’agit, en effet, d’un cas surprenant d’évolution parallèle de deux espèces. D’ailleurs, en français, on l’appelle aussi « loup marsupial » et « loup de Tasmanie ».
C’est quoi une évolution parallèle ?
L’évolution parallèle se produit quand deux espèces différentes, vivant dans des milieux semblables, développent indépendamment des caractéristiques physiques ou comportementales similaires.
Dans le cas du thylacine, bien qu’il soit un marsupial (comme le kangourou et le koala), il a évolué de manière à ressembler de façon frappante à un canidé (comme le loup ou le chien). Ce phénomène s’explique par la pression de l’environnement : pour chasser et survivre dans des conditions comparables, la nature a “réinventé” une forme corporelle et un mode de vie similaires… mais à partir d’une lignée totalement différente.
Comportement du thylacine
C’était un prédateur nocturne qui chassait seul, parfois en couple. Toutefois, des femelles ont été vues chassant avec de jeunes thylacines, probablement leurs rejetons encore immatures.
D’après les observations qui en furent faites, le thylacine n’était pas particulièrement rapide à la course, mais il était très endurant. Il avait l’habitude d’épuiser ses victimes par une longue course, plutôt que de les surprendre par un sprint, comme on le voit chez d’autres prédateurs. On dit aussi qu’il avait une grande agilité pour grimper et sauter, et certains ont rapporté avoir observé le thylacine s’embusquer comme un chat et sauter sur sa proie.
Le thylacine se nourissait principalement de kangourous, de wallabies et de wombats, ainsi que de petits rongeurs et d’oiseaux.
Il évoluait principalement dans les savanes boisées, les landes et les plaines côtières, où il chassait la nuit. Pendant le jour, il trouvait refuge dans des grottes rocheuses, des terriers, ou des troncs d’arbres creux.
Filmé en 1933 au zoo de Hobart (Tasmanie), ce document rare montre le dernier thylacine connu encore en vie, quelques années avant sa mort en 1936.
Histoire (brève !) de l’extinction du thylacine
Le thylacine a existé en Tasmanie jusque dans les années 1930, où il fut exterminé par l’homme.
Depuis le début du 19ème siècle, la Tasmanie fut habitée par des éleveurs de moutons qui voyaient le thylacine comme une menace pour leurs troupeaux. Des chasses intensives au thylacine ont débuté vers 1840, et de 1888 à 1909, le gouvernement payait les chasseurs pour chaque thylacine tué. Plus de 2000 ont ainsi été abattus en échange d’argent!
Le dernier thylacine à être chassé le fut par un fermier de l’île, un certain M. Wilf Batty, en 1930.
En 1936, il ne restait plus qu’un seul thylacine vivant en captivité. Il était exposé au Zoo de Hobart, en Tasmanie. Le 7 septembre, son gardien oublia de le faire entrer dans son abri pour la nuit, et le thylacine mourut des suites de son exposition au froid.
Et ce triste événement marque l’extinction officielle de l’espèce.
Des tentatives de protection de l’espèce sont arrivées trop tard. En effet, l’espèce a été déclarée « espèce protégée » en 1933 seulement. De plus, 647 000 hectares du territoire de Tasmanie furent déclarés zone de protection du thylacine… en 1966 !
En 2005, un magazine a offert 1,25 millions de dollars australiens à qui apporterait une preuve de l’existence du marsupial. Le prix n’a jamais été réclamé.
Cette célèbre photo de Wilf Baffy révèle deux détails intéressants:
- Elle montre clairement la différence de taille entre un thylacine et un chien
- On peut y voir l’attitude craintive du chien face au thylacine, même si ce dernier est mort! C’est dire à quel point les chiens semblaient être impressionnés par ces animaux.
Des thylacines en Australie continentale
Depuis des milliers d’années, les thylacines existaient aussi en Australie continentale et en Nouvelle-Guinée, comme le démontrent des fossiles découverts en ces endroits, et comme le laissent supposer des peintures rupestres faites sur des rochers australiens par des Aborigènes.
Mais l’espèce n’y existe plus depuis environ 3000 ans, sans que nous sachions véritablement pourquoi. L’hypothèse la plus souvent retenue est que les dingos, des chiens importés sur ces terres par les premiers hommes à s’y installer, auraient fait une chaude lutte au thylacine, mangeant les mêmes proies, et étant plus rapide à la course. Cette hypothèse n’est toutefois pas concluante, lorsqu’on regarde la quantité de proies disponibles qui aurait pu suffire amplement aux deux espèces, la facilité qu’avait chacune des espèce à s’adapter à des habitats différents, et le fait que le dingo est diurne alors que le thylacine était nocturne.
Une hypothèse plus récente suggère que le thylacine s’est éteint de ces régions à cause d’une sécheresse de l’environnement résultant en une perte de la végétation dense.
Des indices que le thylacine existe toujours
Malgré son extinction officielle en 1936, de nombreux rapports font état d’observations présumées de thylacines. Ces signalements, allant du simple témoignage à la découverte de prétendues carcasses, suscitent depuis des décennies l’intérêt des chercheurs et du public.
Canulars sur le thylacine
Bien sûr, il y a encore et toujours des canulars:
- un touriste allemand qui fait passer une vieille photo pour une découverte récente,
- des gens qui peignent des rayures sur le dos de chiens greyhound,
- des vidéos générées par intelligence artificielle.
Il existe toutes sortes de raisons pour créer un canular. Certains veulent se moquer des témoins, d’autres cherchent la renommée. Un homme a faussement prétendu avoir observé un thylacine à un endroit en particulier, afin de faire arrêter un projet de coupe de forêt.
Mais une fois qu’on a éliminé les faux témoins et les rapports douteux, il reste des témoignages intéressants.
Témoignages
La Tasmanie est une île au sud de l’Australie sur laquelle vivait le thylacine jusqu’à son extinction officielle, en 1936. Mais même si l’animal est officiellement disparu, Andrew Orchard, habitant de la Tasmanie, affirme en avoir vu plusieurs fois au cours de sa vie. Son père en aurait même capturé un à l’aide d’un piège.
Deb Flowers, quant à elle, explique à un journaliste que dans les années 1960, elle et son grand-père ont observé, pendant toute une journée, une famille d’animaux rayés près de Arm River (Tasmanie). Ce n’est que plus tard, à l’école, qu’elle a appris que ces animaux étaient censés avoir disparus…
Ce genre de témoignages, il y en des centaines…
Parmi les plus intéressants, notons celui d’un garde forestier d’expérience qui, dans les années 1980, rapporte avoir vu un thylacine, et d’avoir même eu le temps de compter le nombre de rayures sur son dos: il y en avait douze.
Un autre témoignage troublant est celui de huit personnes réparties en deux voitures. Les deux véhicules ont dû faire une sorte de détour lorsqu’un thylacine, se tenant en plein milieu de la route, refusait de bouger et de les laisser passer!
Cette carcasse de thylacine est-elle récente?
Une carcasse de thylacine, trouvée en 1966 dans une grotte de la plaine de Nullarbor, en Australie-Méridionale, fait l’objet de débats. La datation au carbone 14 indique que l’animal a passé environ quatre mille ans dans la grotte, momifié par l’air sec de l’endroit.
Mais certains disent que cette datation est erronée, et que l’animal n’est mort que peu de temps avant d’avoir été découvert. Pour appuyer leurs dires, ils montrent que la carcasse était tellement fraîche qu’elle possédait encore sa langue et un globe oculaire, et qu’une bonne partie de sa fourrure rayée était encore intacte. Qui a raison?
Cette carcasse est aujourd’hui exposée au Western Australian Museum.
Le clonage du thylacine et l’espoir d’un retour de l’espèce
Alors que certains cherchent encore le thylacine dans la nature, d’autres espèrent le revoir grâce à la science du clonage. Le rêve de faire renaître des espèces grâce à la génétique n’appartient plus à la fiction : des équipes de chercheurs travaillent activement sur le sujet, et sont plutôt optimistes.
Le clonage du thylacine : est-ce pour bientôt ?
Où en est la science ? En 2024–2025, des équipes associant l’Université de Melbourne (TIGRR) et Colossal annoncent un génome du thylacine reconstruit à ~99,9%, enrichi par l’extraction inédite d’ARN à partir d’un spécimen ancien. (8, 9, 10) En parallèle, elles “thylacinisent” le dunnart à queue grasse (le marsupial choisi comme surrogate) en éditant des centaines de marqueurs dans ses cellules. On défriche aussi les techniques de reproduction assistée chez les marsupiaux (déclenchement de l’ovulation, embryons précoces).
La communauté scientifique salue ces pas de géant, tout en rappelant que l’animal obtenu serait un équivalent moderne, c’est-à-dire une version génétiquement très proche du thylacine original, mais non identique. Certains gènes manquants seraient remplacés ou adaptés à partir du dunnart à queue grasse. En somme, il ne s’agirait pas d’un clonage au sens propre, mais plutôt d’une résurrection partielle, où la science chercherait à redonner vie à une forme fonctionnelle du thylacine.
La route reste longue avant une naissance viable. Il manque encore les étapes les plus délicates du processus : la création d’un embryon complet, sa gestation dans un hôte compatible (plus grand que le dunnart !), et surtout la naissance d’un petit thylacine en bonne santé capable de vivre normalement.
Le dunnart à queue grasse (Sminthopsis crassicaudata) a été choisi comme espèce surrogate parce qu’il est le plus proche parent vivant du thylacine. Sa petite taille et son cycle de gestation très court en font un modèle idéal pour la recherche en laboratoire sur la reproduction des marsupiaux.
Mais vous l’avez sans doute remarqué : le dunnart a la taille d’une souris, alors que le thylacine était grand comme un loup ! Un problème de taille s’impose !
En réalité, le dunnart n’est pas destiné à donner naissance à un bébé thylacine. Il sert plutôt de modèle de recherche pour maîtriser la reproduction des marsupiaux. Une fois cette étape franchie, les embryons pourraient être transférés dans une espèce plus grande et génétiquement proche… qui reste encore à déterminer.
Les limites du clonage
Le problème avec le clonage, ou si vous préférez la résurrection, c’est que même si on parvenait à retrouver 100% du génome du thylacine, cela ne restituerait pas la culture biologique et comportementale de l’espèce.
Un “nouveau thylacine” n’aurait pas été élevé par ses semblables. Il n’aurait donc pas les mêmes comportements appris, comme les habitudes de chasse, ou les lieux où se cacher. De plus, les instincts transmis de génération en génération auraient disparus, comme les cris de l’espèce, ou certains réflexes. Finalement, les interactions sociales qui façonnent une espèce ne seraient pas celles qui, autrefois, appartenaient au monde du thylacine.
Pourquoi le thylacine était essentiel à son écosystème
Un animal n’existe jamais seul. Il fait partie d’un écosystème où chaque rôle compte. Durant des milliers d’années, le thylacine occupait en Tasmanie un rôle qu’il était seul à assumer, la niche trophique du grand prédateur. Depuis sa disparition, cette place est restée vide. Au fil du temps, une série de déséquilibres s’est installée, avec des conséquences négatives sur la faune. Plus que jamais, l’absence du thylacine se fait amère aujourd’hui.
Comprendre les niches trophiques
Les chaînes alimentaires peuvent paraître complexes, mais toutes reposent sur les mêmes fondations :
plantes → herbivores → carnivores → prédateur apex.
Un écosystème est constitué d’une grande diversité de plantes, qui forment la base de toute la chaîne alimentaire. Ces végétaux sont consommés par les petits et les grands herbivores. À leur tour, des carnivores primaires se nourrissent d’insectes et de petits herbivores. Enfin, au sommet de la pyramide, un ou plusieurs prédateurs apex, ceux qui dominent la pyramide, se nourrissent des herbivores ainsi que des carnivores de rang inférieur.
Chaque niveau dépend donc directement de celui qui le précède. Lorsque l’un de ces maillons disparaît ou devient trop rare, l’ensemble de l’équilibre de l’écosystème s’en trouve perturbé.
Impact majeur sur les diables de Tasmanie
En Tasmanie, les différentes strates de la pyramide trophique sont bien diversifiées, à l’exception d’un élément fondamental : le prédateur apex. Autrefois, ce rôle était uniquement occupé par le thylacine. Depuis son extinction, aucun autre animal n’est venu prendre sa place.
Ce vide a eu des répercussions majeures sur l’équilibre de l’écosystème tasmanien.
L’un des exemples les plus dramatiques est l’épidémie de Devil Facial Tumour Disease (DFTD), un cancer qui décime la population du diable de Tasmanie, et qui se transmet d’un individu à l’autre, notamment par morsure. Depuis son apparition dans les années 1990, la maladie a provoqué un effondrement de 70 à 90 % des effectifs dans certaines régions. Les grands prédateurs jouent normalement un rôle essentiel en éliminant les individus faibles, blessés ou malades, ce qui limite la propagation des maladies.
La disparition du thylacine a donc privé l’écosystème tasmanien de ce mécanisme naturel de régulation.
Sans prédateur, une explosion d'herbivores
Des études récentes montrent que lorsque les populations de wallabies ou de kangourous sont trop denses, la végétation pâtit : baisse de la diversité des plantes, destruction de la couverture végétale, et diminution de la régénération des arbustes. Dans certains réserves, le surpâturage menace l’équilibre des habitats naturels, ce qui prive d’autres espèces (oiseaux, petits mammifères, insectes) de refuge et de nourriture.
Pourquoi les thylacines ne peuvent pas être remplacés par des dingos ?
On pourrait croire que l’absence du thylacine pourrait être compensée par l’introduction d’un autre grand prédateur, comme le dingo. Pourtant, en écologie, tous les prédateurs apex ne sont pas interchangeables. Chaque espèce occupe une niche écologique très précise, façonnée par des milliers d’années d’évolution.
Le thylacine était un prédateur nocturne, discret, spécialisé dans la chasse de marsupiaux comme les wallabies et les kangourous, et capable de parcourir de vastes territoires. Son mode de chasse, sa sélection de proies, et son rythme d’activité dans l’écosystème tasmanien en faisaient un régulateur unique.
Le dingo, lui, est un prédateur diurne, profondément social, qui vit en meute et exerce une pression de chasse très différente. Introduire des dingos en Tasmanie créerait un nouvel équilibre artificiel, imprévisible, et risquerait, selon les experts, de provoquer de nouveaux déséquilibres écologiques plutôt que de corriger les anciens.
Quant aux renards et aux chats sauvages, ils ne sont pas des prédateurs apex mais des mésoprédateurs. Leur présence en Australie continentale a aggravé la pression sur les petites espèces, notamment les oiseaux et les petits marsupiaux. Une telle introduction pourrait être dommageable pour l’écosystème tasmanien.
Le thylacine recréé, même imparfait, reste écologiquement irremplaçable
Nous avons vu que le clonage a ses limites, et qu’il ne serait pas capable de ramener l’espèce originale à 100%. Il lui manquerait une partie du génome, et probablement aussi la culture biologique et comportementale de l’espèce.
Pourtant, la nature semble pardonner ces imperfections. Car dans le fonctionnement des pyramides trophiques, ce qui compte, c’est le rôle joué par l’espèce. Si le nouveau thylacine est fonctionnellement proche de l’ancien, s’il est capable de chasser les mêmes proies et de réguler à nouveau les espèces herbivores et carnivores primaires, alors il remplirait son rôle à merveille.
En s’attaquant aux plus faibles de la population des diables, il aiderait à ralentir la propagation d’une maladie qui, en ce moment, est un véritable fléau pour cette espèce emblématique. En se nourrissant régulièrement d’herbivores, cela réduirait la pression sur la végétation et aiderait les espèces aviaires qui luttent présentement à retrouver des habitats propices.
En bref, un nouveau thylacine à l’ADN imparfait pourrait redonner une structure équilibrée à la pyramide trophique tasmanienne comme aucun autre prédateur apex ne pourrait le faire. Et à mon humble avis, c’est à ça que devrait servir véritablement le clonage des espèces. Réparer ces trous dans les écosystèmes laissés par les erreurs des hommes.
Taxon lazare: et si le thylacine n'était tout simplement pas éteint?
Les taxons lazares sont des espèces que l’on croyait éteintes, parfois depuis des décennies ou des siècles, mais qui se révèlent finalement toujours vivantes. On les redécouvre souvent dans des régions isolées, difficilement accessibles, ou dans des écosystèmes que l’humain fréquente peu. Parfois, c’est parce qu’elles ont modifié leurs comportements pour survivre, ou parce qu’elles sont particulièrement élusives.
L’Australie compte plusieurs espèces de ce type. Et cela ouvre une possibilité : si certaines ont pu passer inaperçues assez longtemps pour être considérées comme disparues, le thylacine pourrait-il, lui aussi, avoir simplement échappé à l’attention humaine ?
Ces exemples ne prouvent pas que le thylacine existe encore. Mais ils rappellent une réalité : déclarer une espèce éteinte n’est jamais une certitude absolue, seulement l’absence de preuve actuelle de sa présence.
Quelques taxons lazares d'Australie
| Espèce animale | Comment elle a été redécouverte | Image |
|---|---|---|
| Le potoroo de Gilbert |
En 1994, Liz Sinclair faisait une recherche sur les wallabys lorsqu'elle a attrapé un potoroo de Gilbert dans un de ses pièges |
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| La souris-oppossum des montagnes |
On la croyait éteinte depuis le Pléistocène, jusqu'à ce qu'elle soit identifiée dans un chalet de ski en 1966 |
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Tiliqua adelaidensis une sorte de scinque de l'île Adélaïde, qui ne semble pas avoir de nom en Français |
Redécouvert en 1992 dans l'estomac d'un serpent |
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| Le wallaby bridé à queue cornée |
En 1973, un constructeur de clôture a lu dans un magazine que cet animal était éteint, et il a contacté des chercheurs pour leur dire où trouver l'animal |
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| La perruche nocturne | Photographiée en 2013 |
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Conclusion
Si le thylacine existe encore, pourquoi n’a-t-il pas été retrouvé ?
Parce qu’il ne veut pas l’être.
C’est ainsi que le voit l’écrivain Col Bailey, qui affirme en avoir aperçu un en 1995 et a consacré plusieurs ouvrages au sujet. Pour lui, le thylacine serait un animal profondément élusif, capable de se dissimuler avec une remarquable discrétion, y compris lorsqu’il se trouve très près de l’humain.
La Tasmanie possède encore de vastes zones sauvages, épaisses, silencieuses, où l’humain ne passe presque jamais. S’il reste des thylacines, ils sont sans doute peu nombreux, discrets, et leur présence n’influence plus l’écosystème comme autrefois.
Mais c’est peut-être justement cela qui nourrit le mystère. Le thylacine, avec son camouflage rayé, qui marche dans l’ombre du moment sans se révéler. Il est une possibilité. Ni complètement éteint, ni réellement vivant. Une sorte de chat de Schrödinger de la survie.
Une question qui continue de marcher, à pas de loup, à nos côtés.
Références
- The Obsessive Search for the Tasmanian Tiger, The New Yorker
- Is this proof the Tasmanian tiger is still alive? Farmer spots a mystery beast prowling through the bush – and it wasn’t scared of humans, Daily Mail Australia
- Proof the Thylacine may still exist? Possible sighting in Victoria, Au Jan/2019, Cryptozoology, Reddit
- Messybeast Rare and Extinct Creatures
- The Thylacine Museum
- Return of the living thylacine, Cosmos
- “Scientists say they’ve made a breakthrough in efforts to bring back …” — CBS News.
- “Tasmanian tiger de-extinction project genome sequence” — ABC News.
- “New genome reconstruction advances thylacine de-extinction efforts” — Phys.org.
- “Colossal Achieves Multiple Scientific Firsts in Progress Towards Thylacine De-Extinction” — BioSpace (press-release).
- “New (scientific) milestones help drive solutions to extinction crisis” — University of Melbourne Newsroom
- “Why I work to revive the Tasmanian tiger” — Nature magazine.
- Western Australian Museum
- « Tasmanian Tiger Footage ».- National Film and Sound Archive of Australia (NFSA)
- Bailey, Col. Tiger Tales: Stories of the Tasmanian Tiger. Regal Publications, 1995.
- Wildlife Health Australia. Devil Facial Tumour Disease – Fact Sheet.
- Wikipedia. Devil facial tumour disease.
- Pye, R. J., et al. (2016). Tasmanian devil facial tumour disease: transmissible cancer in an endangered species. – Annual Review of Animal Biosciences, 4, 151–165.
- Drawert, B., et al. (2022).- Tasmanian devil facial tumour disease: a review of disease and its control. –Wildlife Research, 49(6).
- Woods, G. M., et al. (2018). Epidemiology, pathology and immunology of devil facial tumour disease. Integrative and Comparative Biology.
- Department of Natural Resources and Environment Tasmania. – Living with Kangaroos and Wallabies. – Gouvernement de la Tasmanie, 2024.
- University of New South Wales. – Kangaroo overgrazing could be jeopardising land conservation, study finds. – UNSW Newsroom, février 2021.
- Prahalad, V., Kirkpatrick, J. B., et al. – Effects of grazing by native and non-native terrestrial vertebrates on the growth of Tecticornia arbuscula in Australian temperate saltmarshes. – Wetlands Ecology and Management, 2024.

